L’habitat autonome, premier pas vers une autarcie de plus en plus convoitée.

1. Histoire de l’habitat autonome

Le type d’habitat le plus utilisé dans l’histoire de l’être humain.

Alors que l’être humain a vécu des milliers d’années dans des habitats que nous pourrions qualifier aujourd’hui d’autonomes, l’évolution de ce dernier l’a poussé à se sédentariser en construisant des réseaux d’habitations : les villes. L’accès à l’énergie au sein de l’habitat a commencé par être un luxe (les premiers réseaux d’eau ont été installés par les Romains, on pense au Pont du Gard par exemple) avant de devenir un besoin. Au 20e siècle, des innovations ont rendu les villes plus propres, plus ergonomiques et plus accessibles. Pas étonnant que l’exode rural ait pris de l’ampleur fin du 20e siècle.

Qui voudrait encore construire un habitat autonome de ses propres mains alors qu’habiter dans une maison connectée aux réseaux d’eau et d’électricité devenait aussi simple ? Le succès se trouvait dans la consommation, la vie en ville et l’utilisation d’éléments jetables. Fin du 20e siècle, le concept de maison autonome est devenu un projet de pauvre.

La maison autonome, un projet de pauvre devenu un luxe.

Finalement, avec la prise de conscience écologique et le besoin grandissant de “sauver la planète” insufflé par la nouvelle génération, les maisons autonomes ont repris de la côte. De maisons du pauvre, elles sont devenues des maisons responsables et écologiques. Nombre de ménages sont de plus en plus séduits par le concept qui a tout pour plaire et se lancent dans la construction. Attention cependant à ne pas se lancer trop vite, car construire une maison autonome nécessite un minimum d’argent et beaucoup de critères réunis pour en tirer tous les avantages. Surtout bien réfléchir avant de se lancer dans un projet. Entre un bâtiment autonome, autarcique ou passif, il y a des différences importantes à prendre en compte.

2. Définition de l’autonomie

L’autonomie, c’est quoi ?

A partir de quel moment peut-on réellement parler d’habitat autonome ? Les critères ne sont pas toujours bien définis et de nos jours le terme d’autonome est vendeur. Un habitat autonome a déjà le grand avantage de se libérer des énergies fossiles ou nucléaires et de faire un pas vers un monde plus durable. Si on s’intéresse à la définition, un bâtiment autonome est un bâtiment énergétiquement indépendant. C’est tout. Cette définition ne prend pas systématiquement en compte le réseau d’eau.

D’après les normes de construction, un habitat est autonome dès le moment où il produit suffisamment d’énergie pour répondre aux besoins de ses habitants. Il peut être lié au réseau électrique pour compléter ou revendre sa production et relié au réseau d’eau potable ainsi qu’à celui des eaux usées. Attention donc à ne pas tout mettre dans le même panier. D’un point de vue purement architectural, l’autonomie n’est pas synonyme d’autarcie. Suivant le projet de construction, l’autonomie peut être plus ou moins partielle. L’autarcie est la forme d’autonomie la plus aboutie.

3. Différents types d’habitats autonomes

L’habitat énergétiquement indépendant.

Une maison autonome est-elle totalement déconnectée des réseaux ? Comme nous l’avons vu juste avant, la réponse est non. Dans le jargon du bâtiment, on parle souvent d’autonomie à partir du moment où l’habitat produit sa propre électricité. Les panneaux photovoltaïques sont la source de production d’énergie la plus courante et la plus facile à mettre en place. Mais les variations journalières ou saisonnières entre la production et la demande, notamment en hiver, sont difficiles à combler.

Pour que le système fonctionne, le bâtiment doit être soit lié au réseau électrique, soit stocker l’électricité dans des batteries. Un habitat énergétiquement indépendant ne l’est donc à 100% que s’il possède assez de batteries pour stocker toute l’énergie produite, or cette solution reste très chère et peu écologique. Sans parler de la dépense énergétique pour la production des panneaux solaires. En termes d’écologie, cela fait plus de sens de construire une maison passive qu’une maison énergétiquement indépendante.

L’habitat passif, énergétiquement neutre.

Le principe de la maison passive est simple : garder une chaleur passive à l’intérieur en réduisant les pertes de chaleur vers l’extérieur. Ce type de maison a l’avantage de réduire très fortement son empreinte écologique en limitant la consommation d’énergie et en s’affranchissant de toute énergie fossile. La chaleur produite par les habitants eux-mêmes, les appareils électriques et celle apportée par les rayons de soleil sont des chaleurs passives directement utilisées pour chauffer la maison (et complétées avec des chauffages écologiques lors des températures très froides).

L’isolation et l’orientation du bâtiment par rapport au soleil jouent donc un rôle très important. Attention cependant à l’étanchéité. En isolant la maison de haut en bas, on empêche tout échange d’air avec l’extérieur. Il faut donc penser à ajouter des systèmes d’aération avec une perte d’énergie minimale tel que des systèmes double-flux.

Une maison passive n’est donc pas nécessairement autonome, mais elle permet déjà une approche plus écologique en construction ou en rénovation de bâtiment. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises proposent des constructions et rénovations allant dans le sens de la maison passive. Nous ne pourrions pas toutes les citer, un petit tour sur internet vous permettra de trouver celles présentes dans votre région.

L’habitat autarcique, déconnecté de tout réseau.

Une maison autarcique est totalement déconnectée de tous les réseaux, qu’ils soient d’eau potable, d’eau usée, d’électricité, de gaz et qui produit elle-même toute l’énergie dont ses habitants ont besoin. C’est l’autonomie dans sa forme la plus parfaite. Afin de subvenir à ses propres besoins elle se doit d’être à la fois passive et énergétiquement indépendante. On imagine volontiers une petite cabane au milieu de la forêt, avec ses toilettes sèches, sa récupération d’eau de pluie et son poêle à bois. Rustre ?

Aujourd’hui les nouvelles méthodes de filtration d’eau et de récupération d’énergie permettent tout de même de passer le cap de l’autarcie dans des conditions tout à fait confortables. Néanmoins, cela reste des projets réalisés à l’échelle de quelques individus passionnés, comme c’est le cas du couple Baronnet, pionniers de l’habitat autonome au France ou de Marc Muller en Suisse.

Etonnant, c’est au milieu du village de Châtillon, en Suisse, que Marc Muller a décidé de bâtir sa maison autonome et écologique, déconnectée des réseaux d’eau et d’électricité. Il lui aura fallu 5 ans pour achever l’auto-construction de sa maison autarcique moderne. Dans cette vidéo, l’ingénieur en énergie nous explique comment ce rêve a pu devenir réalité. Avec ses connaissances poussées dans le domaine de l’énergie et grâce à l’aide de ses proches et de nombreux chantiers participatifs, il habite désormais dans une maison fonctionnelle et très confortable, avec piscine naturelle.

L’habitat énergétiquement positif.

Même si des bâtiments à énergie positive commencent à voir le jour partout dans le monde, ils restent exceptionnels. La première tour résidentielle à énergie positive au monde a été construite en France, dans la ville même où j’écris ces lignes, Strasbourg. L’énergie produite par des bâtiments à énergie positive est essentiellement de l’électricité car ils sont pourvus de nombreux panneaux photovoltaïques. Même si les habitats à énergie positive restent liés au réseau d’eau, ne pouvant donc pas être qualifiés d’autarciques, ce sont de véritables prouesses techniques et écologiques. Ce type de bâtiment va au delà de l’autonomie simple pour devenir lui-même une source d’énergie.

4. Être autonome dans la société

Habitat autonome et solidaire.

Autonomie ne rime pas avec solitude. Au contraire, l’autonomie nécessite une grande solidarité au sein d’une communauté collaborative. L’attitude la plus saine n’est pas de rechercher la plus grande autonomie possible, mais de développer les échanges dans le seul but de minimiser le travail pénible de chacun. L’autonomie ne peut qu’aller dans le sens d’une optimisation sociale, où la communauté reprend tout son sens.

Vivre en autonomie et surtout en autarcie demande un engagement physique et mental de tous les habitants. Les réalisations d’habitations autonomes du couple Baronnet ne sont plus à démontrer aujourd’hui ! Ces derniers ont aujourd’hui pour but d’harmoniser leur expérience de vie à celle d’une recherche sociétale.

L’autonomie, un choix politique, économique et psychologique.

Choisir de relier ou de ne pas relier sa maison au réseau électrique national et aux canalisations d’eau a été un pari lancé aux Etats-Unis par une minorité de penseurs, d’ingénieurs et d’architectes. Le territoire équipé par des infrastructures pose la question du choix de la dépendance ou de l’autonomie de l’architecture (et donc de l’individu ou de la communauté) aux réseaux. Changer d’attitude vis-à-vis de l’infrastructure est une question éthique avant d’être une question technologique. C’est aussi une question politique, économique et psychologique que les porteurs de projet doivent se poser.

L’autonomie alimentaire, c’est possible.

L’autonomie alimentaire est aujourd’hui un véritable défi. Nous ne sommes plus conscients de la provenance des aliments ni tout les épreuves qu’ils ont surmontés avant d’arriver jusqu’à nous. Redevenir autonome dans son alimentation est une manière d’habiter autrement. Se détacher des circuits commerciaux pour fabriquer et conserver ses propres aliments. Un défi que s’est lancé Kevin de Comme un pingouin dans le désert.

Architectures autonomes

Majamaja, une maison autonome finlandaise qui se monte en moins de 24 heures.

Inspirée de l’habitat traditionnel de l’archipel finlandais, Majamaja est une maison en bois préfabriquée, livrée en kit et installée en moins de 24 heures, selon ses concepteurs, grâce à un petit engin de levage. « La maison est flottante et ne nécessite aucune fondation. C’est vivre avec les moyens du bord comme sur un bateau », sourit Pekka Henrik Littow, l’architecte franco-finlandais à l’initative de ce projet d’habitat autonome.

Habitat autonome - Littow Architects

© Littow Architectes

A Treyvaux (Suisse), une maison sur pilotis entièrement autonome.

LPVH est un bureau d’architectes basé en Suisse. En 2018 ils ont réalisé une maison entièrement autonome sur pilotis à Treyvaux, près de Fribourg. Il s’agit d’une maison privée entièrement équipée de 95m2 avec un étage, entièrement en bois. L’eau potable provient d’une source d’eau et les eaux usées sont envoyées dans une fosse à purin. Tout a été pensé pour rendre cette maison autonome avec un maximum de confort et une très belle vue sur la vallée. Elle fait partie des nombreux projets architecturaux d’habitats autonomes.

Habitat autonome - maison pilotis

© Joel Tattamanti

La tour Elithis Danube, première tour à énergie positive d’Europe.

C’est à Strasbourg, France, que la première tour résidentielle à énergie positive d’Europe a été achevée en 2018. La tour a été conçue pour avoir une dépense énergétique proche de zéro en produisant plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Après 3 ans d’existence, le constructeur Elithis fait le point sur le situation : gain de pouvoir d’achat, excellent niveau de confort et neutralité carbone dans une construction durable en avance sur la réglementation européenne.

©Elithis Danube - tour énergie positive

© Elithis

Architectures passives

Les architectures solaires de Rolf Disch en Allemagne.

Pendant des milliers d’années, l’humanité a construit avec le soleil. Aujourd’hui cependant, 40 % de la consommation d’énergie provient de la construction et de l’habitation des bâtiments. Un énorme défi pour les architectes, car une immense partie de la lutte contre le changement climatique repose sur leurs épaules. Rolf Disch Solar Architecture construit avec le soleil depuis près de 50 ans, a conçu les premiers bâtiments au monde à générer plus d’énergie qu’ils n’en consomment.

©Rolf Disch Architecture solaire

© Rolf Disch Architecture – The Solar Settlement

En Alsace (France), l’Héliodome, maison solaire ultime.

Maison solaire bioclimatique en bois, verre et béton, l’Heliodome est une réponse sans appel aux contraintes énergétiques de notre époque. Le volume architectural fixe a été déterminé par la trajectoire du soleil dans son cycle annuel, assurant un chauffage gratuit en hiver et un rafraîchissement naturel en été. Eric Wasser est l’inventeur du concept de l’Heliodome. Avec sa grande paroi vitrée, l’Heliodome propose un agencement de l’espace en harmonie avec le rythme de vie de l’habitant tout au long de l’année. 

©Heliodome - Architecture solaire

© Heliodome Maison Solaire Ultime

A Grande Synthe (France), une écomaison dite « passive ».

Pionnier dans la conception de maisons à très faibles émissions de CO2Zed Factory est un bureau de construction anglais. Leur écomaison RuralZed a été conçue en 2007 avec un système permettant de récupérer 70% de la chaleur de la maison qui aurait été perdue dans un bâtiment standard, tout en renouvelant constamment l’air intérieur. Avec ses 25m2 de panneaux solaires et un chauffe-eau solaire (des tubes sous vide situés sur le toit), c’est une maison tout à fait écologique.

Zed Factory écomaison vue éclatée

© ZedFactory

La banque de donnée des maisons passives en Europe.

Passivhaus-Datenbank est un site allemand qui référence plus de 5000 maisons passives en Europe. Photos, caractéristiques, et constructeurs sont détaillés pour chaque maison. On peut y chercher par pays, par type de construction ou par ville… attention, les maisons n’y sont pas à vendre !

BedZED, le premier et le plus grand éco-quartier britannique.

BedZED, le premier et le plus grand éco-quartier britannique.

En 1996, la ville de Sutton, un district situé au sud de Londres, a pris l’initiative de développer un quartier environmentally friendly le plus autonome possible. De cette initiative est né BedZed – Beddington Zero Energy Development – le premier et le plus grand éco-quartier britannique. L’un des objectifs du quartier de BedZed est de démontrer qu’il est possible de concilier écologie et mode de vie confortable, le niveau de vie des résidents étant plutôt élevé. Un projet pionnier en termes d’habitat collectif écologique que l’on peut visiter aujourd’hui.

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Pas évident d’habiter autrement… c’est souvent un parcours du combattant ! Les habitats légers et mobiles sont soumis à des réglementations strictes pas toujours simples à interpréter. En bref, un habitat mobile est soumis à la loi ALUR. Si cet habitat perd son caractère mobile, il doit être considéré comme une construction classique et doit faire l’objet d’un permis de construire. Mais attention aux cas particuliers !

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