L’habitat sur l’eau, entre mode de vie traditionnel, nomade et utopique.

Habiter sur l’eau est un défi encore peu exploré qui suscite de nombreuses interrogations parfois utopistes. Nous avons décidé de dédié une rubrique à ce mode d’habitat pour ses aspects historique et innovant très intéressants. Cette page a été rédigée à l’aide du livre très complet sur le sujet : Maisons sur l’eau de Véronique Willemin, Collection Anarchitecture

1. Les civilisations pionnières de l’habitat sur l’eau en Europe

De l’habitat sur l’eau préhistorique aux civilisations lacustres suisses

S’établir sur les rives des lacs, aux confins de la terre et de l’eau… attesté aujourd’hui dans de nombreux pays lointains, ce rêve amphibien a aussi constitué une réalité dans la préhistoire de l’Europe. De 4300 à 800 av. J.-C. environ, des centaines de villages ont été bâtis sur les rives des lacs, en Suisse et tout autour des Alpes. Alignées le long des plages, les maisons étaient souvent dotées d’un plancher surélevé, en raison de l’humidité du terrain et des crues saisonnières, mais presque toujours sur la terre ferme, en retrait des eaux. 

Il faudra attendre le 19e siècle pour des villages érigés au milieu des flots. Dressés sur de vastes plates-formes, ces établissements auraient été le siège d’une véritable civilisation lacustre. Les ancêtres de la Suisse moderne se seraient donc distingués par cette forme d’habitat sur l’eau originale ! De cet habitat sont nés les Lacustres, une civilisation pionnière du progrès occidental. Ces cités construites sur l’eau constituaient la première attestation de la sédentarité humaine.

Venise naît dans l’eau et sur l’eau

Lorsqu’on parle d’habitat sur l’eau, on ne peut pas passer à côté de l’histoire singulière de la ville de Venise. C’est sur un sol spongieux, gorgé d’eau, fragmenté, fragile, menacé constamment par les crues des rivières, très mal adapté au tracé régulier d’une cité, que des populations immigrées se sont installées en petites communautés, sur les rives de la lagune de Venise, formée il y a environ six mille ans. A cette époque les habitants se déplaçaient exclusivement en barque. Avant l’an 1000, les habitations se sont développées de plus en plus loin sur l’eau. Ces dernières étant construites exclusivement en bois, Venise était victime de nombreux incendies. 

C’est à partir du 13e siècle que les églises, monastères et les riches demeures de Venise ont commencé à être construites en pierre. Pour construire et asseoir ces monuments lourds et gigantesques, les bâtisseurs ont dû renforcer le terrain mou et marécageux. C’est alors que les habitants amphibiens de Venise ont commencé à creuser pour bâtir en hauteur. Il a fallu approfondir les canaux publics et les petits canaux privés, corriger le tracé des canaux naturels et ouvrir de nouvelles voies navigables. 

Pour fournir une assise solide aux colonnes, murs et piliers en pierre, les bâtisseurs creusaient jusqu’aux couches les plus dures, sous les sols superficiels et fragiles. Ce n’est qu’à partir du 15e siècle que la méthode des piliers en bois enfoncés profondément dans le sol fut adoptée pour les siècles suivants. Ainsi, les Vénitiens ont utilisé des millions d’arbres, à tel point qu’on peut dire que Venise est bâtie sur une véritable forêt submergée. 

Les ponts habités du Moyen-Âge à nos jours

Pas toujours habités, mais du moins urbanisés, les ponts habités en pierre se sont multipliés entre le 12e et le 18e siècle dans les grandes villes d’Europe. Paris était la ville qui en comptait le plus au monde ! La situation au centre de la cité, et souvent point de passage obligé d’une rive à l’autre, faisait du pont un lieu prisé, stratégique et économiquement intéressant. L’urbanisation de certains ponts résultait d’un cumul et de l’imbrication hasardeuse de constructions individuelles (comme le Ponte Vecchio de Florence, Italie), tandis qu’elle exprimait la volonté de doter la ville d’un élément privilégié préconçu par des architectes selon les règles de l’art (comme les ponts de Paris). 

Les ponts pouvaient accueillir des structures de défense de la ville, comme le pont-barrage Vauban à Strasbourg, mais également des hôpitaux, comme le pont de l’Hôtel-Dieu de Paris. On peut aussi citer les moulins des ponts de Meaux ou le pont de Notre-Dame qui comptait pour sa part pas moins de 68 maisons identiques. A Paris, l’aventure des ponts habités prit fin lorsqu’il fut décidé de “nettoyer” la rivière. Aujourd’hui, il n’existe plus beaucoup de ces ponts, mais certains projets les remettent à l’honneur dans une vision plus futuriste. Un concours a été lancé dans les années 2000 pour la construction d’un pont habité au-dessus de la Tamise, à Londres. Le projet Living Garden Bridge a été l’un des lauréats.

 

2. Vivre dans une maison flottante

L’habitat sur l’eau à Amsterdam

Au début du 20e siècle, l’unique espace de vie pour les mariniers se résumait à une cabine, proche du poste de pilotage. Ce n’est qu’à partir du milieu des années cinquante qu’il fut légalement possible d’occuper et d’habiter la cale d’une péniche au Pays-Bas. Ces maisons bateaux n’avaient pas de moteur, elles ne pouvaient donc ni bouger ni perturber la circulation dans les canaux. Dans les années 1960, l’engouement pour une vie libre et différente, loin du stress des parkings, des ennuis de copropriété, des ascenseurs en panne a fait rêver bon nombre de prétendants. De nombreux initiés à l’habitat sur l’eau se sont dirigés vers la vie en péniche. Amsterdam abrite le seul et unique musée de péniches au monde.

La moitié du territoire des Pays-Bas se trouve sous le niveau de la mer et un tiers est recouvert par des canaux, des lacs et des rivières. Face à la montée des eaux, liée au réchauffement climatique, certains Néerlandais ont choisi de s’adapter en faisant construire des maisons flottantes. Philippe Simay, philosophe voyageur, part à leur rencontre.

Construire une maison flottante

Qui n’a pas un jour rêvé de vivre Les Aventures de Tom Sawyer ? Construire soi-même son radeau et se laisser glisser au fil de l’eau… En Suède, plusieurs organisateurs de voyages et de loisirs proposent aux “nouveaux explorateurs” de se lancer dans l’aventure de l’auto-construction de son radeau, pour descendre la rivière, lentement, au rythme de l’eau et des castors, les plus grands architectes de l’eau. Mais au-delà de l’habitat de loisir, construire une maison autonome flottante demande déjà plus d’investissements. Aquashell explique ici les fondamentaux de la construction sur l’eau.

Législation des péniches habitables

Réhabiliter une péniche pour en faire son lieu de vie est une manière simple de construire son propre habitat sur l’eau, comme le montre ce témoignage de rénovation de bâteau pour moins de 100€. La grande vogue du bâteau-logement démarre dans les années 80 en Europe puis ne cesse de rassembler de nouvelles populations en recherche de nature, d’économie, d’espace et de vie différente. Attention cependant, il est déconseillé d’acheter un bateau pas cher, sans savoir où on va le mettre. On devient propriétaire de son bateau, mais pas de sa zone d’occupation. 

Dans le domaine fluvial, tout est temporaire, la notion du foncier comme à terre, n’existe pas. Pour s’installer sur un emplacement sur l’eau, il faut s’adresser au gestionnaire fluvial du domaine public et obtenir une convention d’occupation temporaire, situation précaire et révocable. Né en 1991, Voies Navigables de France (VNF) marque une volonté des pouvoirs publics de mieux coordonner toutes les activités liées au commerce et au tourisme fluvial. Avant de se lancer dans l’aventure de la vie sur une péniche, il faut bien prendre en compte que vivre sur un bâteau engendre de respecter les règlements et l’environnement et qu’avant tout, il faut aimer l’eau, vivre sur l’eau et tout ce que cela implique (amarres, crues, presse-étoupe etc.).

3. L’avenir de l’habitat sur l’eau

Utopies et habitat sur l’eau

De tous temps les hommes ont rêvé de villes idéales, villes rêvées par des philosophes, des penseurs, des romanciers, des peintres, des architectes, et aujourd’hui aussi des cinéastes. Bien plus qu’une utopie architecturale, la ville idéale est souvent, avant tout, la description mythifiée de l’organisation sociale, politique et économique d’une communauté humaine.

L’utopie réalisable vient avant le projet, la réalité du projet lui succède grâce à la technique sans laquelle l’idée de l’utopie réalisable n’aurait pas pu naître. Golden City, construite en 2064, est pour le moment la seule ville flottante au monde.

Parfois, la frontière entre utopie et réalité s’estompe. L’incroyable île A-Z pensée par l’architecte Jean-Philippe Zoppini aura failli voir le jour. Inspiré par la Standard Island de Jules Verne, le projet a été abandonné faute de financements. De même, le Freedom Ship International (ville flottante itinérante équivalente à la taille de Nancy) a été pensé pour répondre à une augmentation du nombre de touristes chaque année. Pensé pour naviguer sur les eaux internationales, cette structure pourrait être un futur paradis fiscal évaluée à 11 milliards d’euros en 2002. Pour l’instant encore à l’état d’utopies, ces villes sur l’eau ont du mal à être crédibles aux yeux du grand public et des financeurs. Mais peut-être verrons-nous un jour une Golden City au large des côtes ?

Si le changement climatique se poursuit, les architectes et les climatologues ont une solution : construire des villes sur l’eau ! Cette nouvelle série documentaire plonge au coeur des mystères de la science pour tout savoir ou presque. Réalisé par Thomas Kulik en 2021.

Architectures sur l’eau

Waterstudio, architectures sur, dans et à côté de l’eau.

Waterstudio NL est un bureau d’études Néerlandais spécialisé dans la construction sur l’eau, dans l’eau ou à côté de l’eau. De la petite maison individuelle à l’aménagement d’un quartier entier sur l’eau, les architectes et ingénieurs de Waterstudio développent des solutions posées par l’urbanisation et le changement climatique.

©Waterstudio.NL - habitat sur l'eau

© Maldives Floating City – Waterstudio NL

La remarquable Spaceframe du groupe N55 au Danemark. 

En 2002 les membres du collectif N55 à Copenhague ont crée une plateforme flottante Spaceframe dont les données sont accessibles en Open Source. N55 est une plateforme pour les personnes qui souhaitent travailler ensemble, partager des lieux de vie, d’économie et de moyens de production. Toutes les œuvres N55 sont Open Source (toute utilisation des œuvres de N55 doit inclure les crédits appropriés à N55 et un lien vers www.N55.dk).

©N55 Spaceframe - habitat sur l'eau

© N55 Spaceframe

Le GeWoonboot, la maison flottante hyperécologique. 

 A première vue, la construction ressemble à n’importe quelle maison-bateau, avec un espace intérieur de 120 m2 et tout le confort. Le GeWoonboot est en fait une demeure flottante hyperécologique dont l’unique exemplaire est amarré sur un quai à Amsterdam. Bienvenue dans la maison eautonome.

©GeWoonboot - habitat sur l'eau

© GeWoonBoot

Lilypad, l’écopolis flottante. 

Vincent Callebaut, l’architecte belge visionnaire, a créé un projet original : Lilypad, l’écolopolis flottante, autosuffisante, pour répondre à la problématique des réfugiés climatiques. Lilypad permettrait une nouvelle économie écologique nomade, car l’écopolis peut voyager tout autour du monde. Côté design, l’inspiration vient des grands nénuphars de la Reine Victoria d’Amazonie, de la famille des Nympheas, agrandis 250 fois. 

Constructeurs d’habitat sur l’eau

Aquashell, concepteur d’habitats flottants.

Aquashell est une entreprise française qui développe des maisons flottantes et habitats sur l’eau pour les particuliers. Les professionnels vous accompagnent sur votre projet, que vous soyez déjà expert ou que vous ne savez pas par où commencer.

©Aquashell - Kevell maison flottante écologique

© Aquashell – Kevell, maison flottante écologique

Seineplus, spécialiste du bateau-logement.

Seineplus est la seule agence exclusivement consacrée à l’habitat fluvial et qui existe depuis près de 30 ans sur la Seine. L’entreprise est spécialiste du bateau-logement, des péniches d’habitation, des house boats et des maisons flottantes. Du plus petit au plus grand, tout ce qui flotte et qui est habitable intéresse Seineplus, que ce soit en région parisienne ou en province.

Kleinwohnformen, association pour les petits habitats.

L’association Kleinwohnformen anime la communauté des habitats légers en Suisse allemande. Comme les autres associations promouvant l’habitat minimaliste à faible impact, ils proposent des sensibilisations auprès du grand public, des formations et des accompagnements pour tous.

International Marine Floatation Systems LTD implanté au Canada.

Pionnier dans l’utilisation de fondations structurelles en béton pour les bases de bâtiments flottantes et les quais de marina, IMFS conçoit et produit des flottaisons en béton pour une grande variété d’utilisations depuis plus de 30 ans. Adapté aux sites accidentés ou calmes, le flotteur en béton est reconnu pour sa durabilité et ses coûts d’entretien minimes.

International Marine Floatation System - Peters house

© IMFS – Peters House